Swissmetro roule vers l'industrialisation

Les six mois de tests effectués sur le site de l'EPFL se sont achevés sur un constat plus que réjouissant. En effet, les résultats de maquette numérique de Swissmetro ont été très convaincants.

Cette idée de train volant, avançant par sustentation magnétique dans des tunnels sous vide d'air a reçu un second souffle faisant suite au succès des six mois de tests effectués. La Confédération a ainsi accepté de financer une nouvelle série d'essais de six mois pour permettre notamment à cette idée de séduire de grands groupes industriels.

En route pour l'industrialisation

M. Rodolphe Nieth, père de ce concept de trains magnétiques circulant dans de petits tubes souterrains est très enthousiaste: "La maquette numérique vient de faire franchir à Swissmetro une étape très importante: celle du départ de son industrialisation", annonçait-il récemment à la presse. Cette idée imaginée dans les années septante a ainsi reçu un coup de pouce grâce aux progrès de l'informatique. En effet, la maquette traditionnelle, très coûteuse, a pu être remplacée par son pendant virtuel. Et le résultat a été stupéfiant: non seulement cette maquette numérique baptisée HISTAR a prouvé qu'elle pouvait remplacer une version classique, mais elle a également permis aux premiers tests d'aller plus loin que prévu, comme l'a précisé M. Marcel Jufer, coordinateur du projet et professeur en électromécanique de l'EPFL: "Durant les six premiers mois de son exploitation, nous n'avons pas seulement étudié l'aérodynamique des rames, mais nous avons aussi réussi à simuler leur circulation dans les tunnels". Les trains virtuels ont même franchi les 600 km/h! Il ajoute encore suite à la décision de la Confédération, par le biais de la Commission technologie et innovation (CTI) de renouveler sa subvention à la maquette numérique pour six mois que l'objectif n'est désormais plus seulement de faire de la modélisation, mais de préparer l'industrialisation du système de transport en trouvant des partenaires. Après avoir démontré que Swissmetro fonctionne, la préparation de sa construction peut débuter.

Investisseurs du Soleil levant?

Reste une condition à remplir pour assurer un avenir à ce projet: trouver des industriels prêts à investir financièrement et technologiquement dans cette longue étape. L'objectif est de séduire les grands groupes internationaux actifs dans le domaine des transports et aussi de l'aéronautique. L'idée de réaliser un Swissmetro 100 % helvétique n'est plus d'actualité. Les parents de ce projet cherchent désormais un pays d'accueil pour leur bébé, un moyen de transport révolutionnaire qui pourrait bien séduire l'un des anciens pays de l'Est ou l'Asie. Le slogan est direct: "Vous voulez et pouvez le construire, nous vous vendons le concept, Les chances de construction d'une première ligne sont les plus sérieuses du côté de la Chine. Ce pays a d'ores et déjà investi dans un projet similaire de train magnétique à grande vitesse. Le Transrapid allemand relie l'aéroport et la ville de Shanghai depuis un an avec succès. Ce concurrent de Swissmetro souffre cependant d'un grand défaut: il prend beaucoup de place en surface. Un inconvénient que n'a pas le système de transport souterrain mis au point sur les bords du Léman!

Projets à l'étranger

Swissmetro est un ensemble de technologies de pointe dont toutes bénéficient de ses progrès. C'est le cas pour la transmission d'énergie sans contact, ou la sustentation magnétique. Lausanne est ainsi devenue un pôle mondial de référence pour les trains magnétiques aux côtés de l'Allemagne et du Japon. D'autres innovations liées à Swissmetro sont déjà dans les tiroirs : la création d'un système de transport souterrain pour les marchandises en Europe prévoyant d'utiliser la sustentation magnétique pour transporter de lourds tonnages à un moindre coût énergétique n'est pas un rêve. En effet, la Communauté européenne s'intéresse à un tel projet dans le but de résoudre l'explosion prévue du trafic de marchandises sur l'axe nord-sud. Autre exemple, le transfert de containers entre les bateaux, camions et trains devrait prochainement être amélioré. Finalement, les Lausannois sont déjà familiers avec une autre invention descendant en droite ligne de Swissmetro: la Serpentine. Ces petits véhicules guidés par un rail invisible dans la chaussée ont fait en 2001 leurs premiers tours de roues sur les quais d'Ouchy. Un bémol cependant pour ce petit système de transport pointant à 12 km/h: il se trouve actuellement dans une impasse juridique faute d'autorisation de la Confédération... un autre exemple qui prouve que l'avenir de Swissmetro passe peut-être par l'étranger.

Interview express de M. Pierre Triponez :

Ce projet m'a enthousiasmé dès le début Président du Conseil d'administration depuis 2003, Pierre Triponez nous fait partager son enthousiasme pour le projet d'avenir que représente Swissmetro.

Qu'est-ce qui vous a amené à prendre la présidence de Swissmetro en 2003? C'est vers la fin des années 80 que j'ai entendu parler pour la première fois, au cours d'une conférence, d'un tel moyen de transport rapide et souterrain. Cette idée m'a fasciné dès le départ. Etant donné la mobilité croissante de la population et les possibilités limitées pour la construction de nouvelles infrastructures, ce projet m'a d'emblée semblé représenter une grande chance pour l'avenir. De ce fait, lorsque j'ai été contacté par les responsables du projet en 2003, je n'ai pas hésité un instant à accepter leur proposition.

Quelles sont les prochaines étapes prévues pour Suvissmetro? Après de nombreuses études et évaluations, le moment est sans aucun doute venu d'effectuer un pas supplémentaire en passant à la phase de réalisation aussi vite que possible. Suite aux résultats positifs de Histar, Swissmetro est aux portes de l'industrialisation et il est désormais temps que la politique et l'économie soutiennent la réalisation de ce passage de la théorie à la pratique.

Dans l'immédiat, y a-t-il déjà des investisseurs qui se profilent? Notre société, Swissmetro SA, regroupe un nombre important de grandes entreprises qui sont directement intéressées par la commercialisation de ce projet et qui sont donc les premières à contacter dans les prochains mois. Swissmetro SA entrera également en contact avec des responsables de transports rapides afin d'examiner les possibilités de collaboration. Enfin, sont prévues dans le courant de cette année des discussions avec d'autres investisseurs intéressés et différentes autorités cantonales, notamment à Bâle et Zurich.

Quand pensez-vous que nous pourrons effectuer notre premier voyage dans un tel métro? N'étant pas devin, je ne désire pas m'avancer et faire des promesses qui ne seraient pas tenues, il serait dangereux de faire des pronostics trop précis. Un tel projet demande du temps et dépend de beaucoup de facteurs, mais si l'économie et la politique prennent conscience de son importance, il devrait être possible de prendre des décisions dans un avenir proche. je garde l'espoir d'assister au premier voyage entre Zurich et Bâle d'ici l'an 2020.

Propos recueillis par Sarah Steinweg, Journal des arts et métiers, avril 2005