Science et imposture

Tel un serpent de mer, la controverse sur les origines de la vie refait surface aux Etats-Unis. Charles Darwin et sa théorie de l'évolution sont à nouveau mis au pilori par les milieux fondamentalistes. Mais le plus inquiétant, c'est que ceux-ci font pression sur les programmes d'enseignement scolaires et même universitaires. Mélangeant sans vergogne croyances religieuses et connaissances scientifiques, cultivant leur bigoterie dans un terreau d'archaïsmes, d'inculture et d'obscurantisme, leur objectif est de faire disparaître toute référence à la théorie de l'évolution.

Et pour ce faire, ils utilisent les grands moyens. Au Kansas, la majorité conservatrice du conseil des écoles organise des auditions pour imposer ces idées rétrogrades. Soutenant que la vie est trop complexe pour résulter d'une évolution basée sur un processus de mutation et de sélection naturelle, ils affirment avec la foi du charbonnier que seule une intelligence supérieure est à l'origine des espèces.

Examinons donc la différence entre les élucubrations des mouvances intégristes et la démarche scientifique. Contrairement aux théories dogmatiques des sectes de tout acabit qui fleurissent là où l'éducation et la connaissance n'ont hélas pas réussi à pénétrer, la science ne prétend pas tout savoir. Elle établit des modèles, élabore des théories puis les confronte à l'expérience et à l'observation avant de procéder à leur validation. II en est ainsi du modèle du big bang, qui n'a jusqu'à présent jamais été contredit par les événements. Par contre, ce qui s'est passé avant le "mur de Planck", comme le décrivent notamment les frères Bogdanov*, reste hypothétique et ne pourra être vérifié avant longtemps, à l'instar de la théorie des cordes décrivant l'infiniment petit.

Mais soyons clairs: tout comme la science, la religion a sa place dans la société et les croyants sont parfaitement respectables. Heureusement, la majorité d'entre-eux ne rejettent pas la science, ni ne cherchent à fonder une contre-science. Même l'Eglise catholique a renoncé, depuis bientôt un siècle, à s'engager dans des croisades anti-science. II a fallu du temps, mais Galilée a fini par se faire entendre.

II est aussi révélateur que de nombreux physiciens et astrophysiciens renommés, dont les découvertes et les théories repoussent chaque jour les limites du savoir, sont croyants. Est-ce parce qu'ils savent qu'ils ne perceront jamais les ultimes mystères de la création de l'Univers et de la synthèse de la matière vivante? Ce qui est sûr, c'est qu'il ne prétendent pas péremptoirement que toutes les espèces ont été créées par Dieu il y a 6000 ans, comme l'affirment certains hurluberlus. Mais ceux-ci le sont-ils vraiment? Si l'on parvient à faire croire de pareilles sornettes au bon peuple, on n'aura sans doute aucune peine à lui faire avaler qu'un pays regorgeant de pétrole possède des armes de destruction massive.

*Avant le Big Bang, Igor et Crichka Bogdanov Editions Grasset, 2004

La Revue Polytechnique No 1693, Michel Giannoni, 06-07.2005