Des scientifiques rêvent de relier la terre à l'espace par un ascenseur.

Un mince ruban serait déployé depuis un satellite jusque sur la terre. La NASA finance ces recherches, que l'Agence spatiale européenne suit avec un intérêt critique.

Sir Arthur Clarke, auteur d'un roman de science-fiction mettant en scène un tel appareil, estime qu'on pourra le construire "dix ans après que tout le monde aura cessé d'en rire". Des scientifiques américains étudient très sérieusement cette idée. Ils ont déjà tenu trois conférences sur le sujet. Leurs travaux sont soutenus par la NASA, qui consacre traditionnellement une petite partie de son budget à des projets dit "avancés".

L'idée n'est pas nouvelle: elle a fait l'objet d'une proposition détaillée pour la première fois en 1960, par un ingénieur russe. Elle a été longtemps considérée comme irréalisable, en l'absence de matériaux assez solides pour construire la structure. Mais le développement des nanotechnologies lui a donné un nouvel élan. Elle se heurte cependant à de multiples écueils.

Base flottante
Comment diable construire un ascenseur entre la terre et l'espace? L'Institute for scientific research (ISR), figure de proue de ces réflexions, parle de lancer un satellite à 35'800 kilomètres d'altitude, sur orbite géostationnaire (l'orbite sur laquelle les objets restent constamment au-dessus de même point de la surface terrestre). Un ruban serait déroulé entre ce satellite et la surface de la terre. Là, il serait fixé à une base flottant dans les eaux les plus calmes du Pacifique, dans la zone de l'équateur. De l'autre côté, il serait déployé encore plus haut dans l'espace, jusqu'à 100'000 kilomètres d'altitude, où il serait arrimé à un contrepoids. L'action conjuguée de la force de gravitation et de la force centripète permettrait de le maintenir tendu.

Ce ruban initial serait plus mince qu'une feuille de papier et large de 10 à 20 centimètres. Mais sa construction en nanotubes de carbone le rendrait capable de supporter une charge de 1'238 kilos. Des ascenseurs pourraient monter le long du ruban tous les trois ou quatre jours, à une vitesse de 200 km/h: il leur faudrait un peu plus de trois semaines pour arriver en haut. Ils tireraient leur énergie de rayons lasers pointés sur eux depuis la terre. Pendant leur parcours, ils dérouleraient de nouveaux rubans, permettant de renforcer la structure. Plus le temps passerait, plus celle-ci serait solide. Au bout de deux ou trois ans, l'ISR assure qu'elle supporterait des charges de 20 tonnes. Celles-ci seraient ensuite envoyées à leur destination: orbites terrestres, Vénus, Mars, Jupiter...

Coûts réduits
Si le projet est onéreux - de 7 à 10 millions de dollars pour un premier ascenseur, beaucoup moins pour les suivants, affirment les promoteurs - il permettrait cependant de réduire sensiblement le coût des transports vers l'espace, assurent-ils. L'IRS parle d'un coût de 1'000 dollars par tonne transportée sur le premier ascenseur, de 50 à 100 dollars à terme si plusieurs ascenseurs sont construits.

L'institut espère que cette baisse des prix permettra de développer les potentialités de l'espace: accès et réparations facilitées pour les objets spatiaux, fabrication en micro-gravité à large échelle, mise en orbite de collecteurs solaires permettant de transmettre de l'énergie à la terre, exploitation des minerais sur des astéroïdes, tourisme spatial...

Danse au milieu des débris
Mais avant d'en arriver là le projet devra résoudre de nombreuses difficultés. A commencer par celle des collisions. Les orbites regorgent de débris spatiaux (fragments de satellites hors d'usage, déchets de missions spatiales...), de satellites et de débris de comète, surveillés depuis la terre. L'ascenseur devra les éviter quotidiennement. Les promoteurs assurent qu'on pourra le faire en déplaçant l'ancre.

www.isr.us/research_es_se.asp

Entreprise Romande, Pierre Cormon, 17 juin 2005