"Faute d'innovation en Suisse, le bien-être n'est pas assuré"

Selon des responsables du Credit Suisse, la confiance est sur le point de revenir parmi les PME helvétiques. Mais sans un effort axé sur l'innovation, la Suisse ne parviendra pas à maintenir son niveau de vie.

Attention, "le bien-être n'est pas assuré dans ce pays. Il faudrait développer l'innovation". Un boute-en-train, l'auteur de cette sentence? Un banquier en tout cas: Hans-Ulrich Müller dirige le département de la clientèle PME helvétique du Credit Suisse, deuxième banque du pays. Et s'il insiste tellement pour fouetter l'esprit d'entreprise, c'est qu'il trouve la Suisse trop timorée face à la concurrence étrangère, asiatique notamment. Voilà pourquoi il aimerait organiser prochainement un voyage en Chine destiné aux entrepreneurs helvétiques. Simultanément, il prépare le lancement à Lausanne, en mai 2005, d'un prix des entrepreneurs romands.

De passage hier à Fribourg, Hans-Ulrich Müller a rencontré "La Liberté" en compagnie d'Andreas Giesbrecht, responsable de la clientèle entreprises pour la Suisse romande et Hubert Joye, son homologue pour le canton de Fribourg. L'occasion de poser à ces professionnels du crédit une question délicate, qui répond à une préoccupation entendue à plus d'une reprise dans le terroir économique: "Mais que font les banques pour les PME?"

Manque de fonds propres

"Durant les cinq dernières années, nous n'avons pas enregistré de baisse dans l'octroi de crédits aux PME", répond Hans-Ulrich Müller. De son engagement envers le tissu industriel, le banquier fait une "affaire de cœur" mais qui n'en reste pas moins "très rentable". Les raisons? "Elles tiennent à la fois aux taux d'intérêt, aux commissions sur placements, aux accréditifs encaissés sur le négoce international, aux commissions sur devises, ainsi qu'à la santé du portefeuille."

Le principal problème des PME, le spécialiste le voit dans le manque de fonds propres, car la banque n'est pas prête à assumer seule tous les risques. "Globalement les entreprises ont vécu deux trimestres positifs." Oubliés les soucis de 2002 et 2003, la confiance revient, l'embauche aussi, même si elle n'est qu'à temps partiel pour le moment.

Reste à la reprise à confirmer ses bonnes intentions. Le cas échéant, elle stimulera les projets existants dans le sens d'une plus grande prise de risque de la part des entreprises. "On sent un élan positif. Les entrepreneurs n'attendent qu'un signe pour dire "on y va" et investir."

Succès à Bâle

Le succès de la Foire de l'horlogerie à Bâle est un premier signe du frémissement. Parmi les autres secteurs les plus prometteurs, Hans-Ulrich Müller cite le tourisme, la médecine, la finance et la microtechnique. La construction aussi, dans une certaine mesure: "C'est une branche qui avance bien dans certaines régions comme Fribourg où elle reflète l'évolution démographique", ajoute Hubert Joye.

Un peu à la manière d'un capitaine Haddock qualifiant de "belle brise" ce que Tintin considère comme une tempête, les spécialistes du Credit Suisse redimensionnent le creux conjoncturel. A leurs yeux, il n'est pas comparable à celui, historique, du milieu des années nonante. Le ralentissement que nous avons connu a été très bien maîtrisé", juge Andreas Giesbrecht. Un optimisme auquel Hans-Ulrich Müller apporte toutefois un bémol: "Attention, nous vivons quand même de grands changements. Les Suisses ne se rendent pas compte qu'en Asie, l'ambition pousse les gens à prendre davantage de risques. Sans un effort axé sur l'innovation, il n'est pas certain que nous parvenions à maintenir notre niveau de vie."

Christian Campiche, La Liberté, 29.04.2004

La croissance ne  va pas s'accélérer, selon des experts

La croissance en Suisse ne va pas s'accélérer au 3e trimestre 2004. Le KOF, le Centre de recherches conjoncturelles de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), a ainsi confirmé ses prévisions précédentes. Le baromètre de l'institut, indicateur qui préfigure l'évolution à six mois, conserve son tracé plat. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) continue à augmenter encore jusqu'au milieu de l'année, puis reste ensuite inchangé au 3e trimestre, a indiqué le KOF hier dans un communiqué. En avril, le baromètre est ressorti à 0,56, contre 0,55 en mars, et 0,52 en février. Il y a un mois, l'indicateur du KOF s'affichait à 0,51 en mars comme en février. L'enquête conjoncturelle mensuelle menée dans l'industrie montre que la tendance à la hausse dans les entrées de commandes se maintient depuis le milieu de l'année passée. Par contre, pour les achats de produits intermédiaires comme pour les carnets de commandes, la tendance est maintenant tournée à la baisse. Le KOF publiera le 26 mai les indicateurs trimestriels portant sur le commerce de gros, la construction et l'enquête des ménages du seco (Secrétariat d'Etat à l'économie).

ATS, La Liberté, 29.04.2004