Swissmetro enterré ... !

Leuenberger a frappé, la FSP s'y attendait !

Au lieu de Swissmetro "qui ne sera jamais assez avancé pour être inclus dans une planification à vues humaines", le demi-métro lausannois, car "sur le plan de la politique des transports, le M2 est tout à fait sensé". Voilà le choix de Moritz Leuenberger, chef du Département fédéral des transports, dont rend compte le quotidien vaudois 24 heures du 14 novembre 2002. Qui renforce la décision prise, à regret, par la Fédération des syndicats patronaux (FSP) de renoncer a assurer le secrétariat de cette société.

Sans préjuger du sort que les Vaudois réserveront à un projet d'infrastructure utile et encore plus coûteux, on ne peut toutefois se défaire de l'impression que le ministre des transports a de la peine à sortir de ses propres préjugés face à un projet porteur d'une vraie vision.

A moins précisément que son originalité au sein du collège gouvernemental ne soit paradoxalement de ne pas en avoir. Ce qui ne pourrait que conforter l'empire de l'administration sur le Conseil fédéral, et en l'occurrence celui de l'Office fédéral des transports (OFT), "pacsé" dans cette opération avec les CFF. Dont l'intérêt pour Swissmetro était pareil à celui du cobra pour le hamster. Et qui, démissionnant de son conseil d'administration, démontrent qu'ils n'ont même plus besoin de surveiller un concurrent virtuel.

A noter au passage qu'en Suisse les "pacsages" sont légion. Tel celui de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) avec Swissair, avec les résultats que l'on sait pour le contribuable et pour l'image de ce pays. Au point qu'une règle pourrait être établie:

autant d'offices fédéraux, autant d'unions stériles, partant, autant d'ambitions pichrocolines.

Or, quand comprendra-t-on qu'administrer, ce n'est pas gouverner? Que distribuer des miettes de subvention, c'est refuser de faire des choix? Que se défausser sur le secteur privé qui aurait dû porter à lui tout seul le projet Swissmetro, alors que la construction d'infrastructures de transport est du ressort de l'Etat, ce n'est pas digne de la charge que l'on occupe, du rôle auquel on aspire, de la responsabilité que l'on endosse?

Rappels factuels. Le 27 novembre 1997, après plusieurs années d'études et quelques millions de frais, Swissmetro SA déposait une demande de concession auprès du Département fédéral des transports (DETEC) pour la construction et l'exploitation d'un tronçon entre Genève et Lausanne. Lui répondant le 5 mai 1999, le Conseil fédéral faisait part de son "intérêt de principe pour cette technologie". Mais il demandait aussi à Swissmetro de résoudre la question du financement. Sans toutefois lui imposer de délai. Coup de semonce: le 26 Juin 2002, le Conseil fédéral fixait à la Saint-Étienne, soit au 26 décembre 2002, le délai en question. Pendant ce temps, Swissmetro étudiait, à la suggestion du ministre des transports, un deuxième tronçon allant de Zurich à Bâle. Et vient de demander un délai supplémentaire de six mois, au 26 juin 2003, pour rendre sa copie. Sera-t-il accepté par Moritz Leuenberger, le ministre au spleen planant? Wait and see.

Quant à la FSP, ouvrière de la première heure de Swissmetro SA, elle est arrivée à la conviction que seuls les aspects liés à la recherche de ce projet ont encore un avenir éventuel en Suisse. Les atermoiements du DETEC ont contribué pour beaucoup à son retrait.

Or, si la Suisse entend ne plus se contenter de visions étriquées, si elle aspire à tenir sa glace dans le concert des nations hautement développées d'un point de vue technologique, deux avancées sont en l'occurrence indispensables. Primo, une gare d'essai pour le Swissmetro, évaluée à une centaine de millions de francs, pour réaliser les derniers tests de sustentation magnétique et d'étanchéité des bétons à l'échelle 1/1. Secundo, un tronçon d'essai pour faire glisser à 500 km/h cet étrange animal, avion sans ailes et train sans roues, à coups de quelques centaines de millions de francs de plus. Soit beaucoup moins cher qu'une demi-Expo 02 ou 32. Ou qu'une compagnie Swiss qui tient surtout de l'albatros.

C'est dire maintenant la responsabilité du Département de l'économie, notamment de sa commission technologie et innovation (CTI). Une approche non bureaucratique des demandes qui lui seront présentées par la nouvelle équipe devrait s'imposer. Puisse Pascal Couchepin être l'homme de la situation. Et pourquoi pas aussi des conseillers d'État vaudois et genevois, une fois reglée la question du M2 et du raccordement ferroviaire de La Praille aux Eaux-Vives?

A défaut, les entreprises privées ne retrouveront jamais la confiance en ce projet. Et ne pourront qu'assister avec dignité à l'enterrement par les huissiers du Palais fédéral de la grande idée de Rodolphe Nieth.

Pierre Weiss, Entreprise Romande, 22.11.2002