Le moteur à explosion en fin de course?

L'airbag, c'est bien. La navigation par satellite, c'est utile. Mais l'essentiel du progrès automobile va se faire sous le capot. Entre le bon vieux moteur à explosion et les nouvelles technologies, une course stimulante est engagée en termes d'innovation industrielle.

Tous les motoristes ont l'oeil rivé sur les fameuses normes de l'Union Européenne. Entre 2000 et 2008, il faut encore réduire les émissions d'oxyde de carbone de 30 % et diviser par 2,5 l'oxyde d'azote, sans oublier six fois moins de particules à émettre au bout du tuyau d'échappement. La plupart des grands constructeurs automobiles travaillent bien en amont, sur l'injection. L'idée est de trouver un système pouvant s'appliquer aussi bien au diesel qu'à l'essence. Le principe général est de disperser le carburant de façon progressive et variable en fonction du régime et des sollicitations du moteur, afin d'améliorer encore la combustion du mélange air-carburant.

Peugeot perfectionne son filtre à brûler les particules pour le diesel. Dans les laboratoires de Renault, on parle aussi de "gestion sélective des soupapes". L'arbre à cames est supprimé, chaque soupape dépendant d'un électro-aimant particulier: moins de frottement, donc moins de consommation et moins de pollution. En Europe comme aux Etats-Unis, les ingénieurs se penchent sur le circuit électrique. L'idéal serait de fusionner l'alternateur et le démarreur. Le nouvel appareil aurait pour mission d'alimenter le véhicule en électricité et d'assister le moteur thermique. D'où économie de carburant et une voie ouverte vers les véhicules dits hybrides. Toyota commercialise un tel modèle depuis trois ans.

Hydrogène à l'horizon

Faut-il rêver à l'hydrogène-carburant? Ce gaz doit d'abord être fabriqué, soit par électrolyse de l'eau ou par reformage à partir d'une matière première telle que le gaz naturel, voire l'essence. Daimler-Chrysler a opté pour le méthanol embarqué à bord de ses prototypes. En cas de développement à grande échelle, ces moteurs à pile à combustible exigent en fait toute une infrastructure, soit pour mettre l'hydrogène à disposition, soit pour assurer l'approvisionnement en produits de reformage. L'Allemagne est en pointe dans cette réflexion, avec son projet national "Transportation Energy Safety", associant le ministère des transports, BMW, Shell, Volkswagen, Aral et Man. De plus, il faudrait unifier le nouveau carburant au niveau européen (une directive européenne est en préparation pour 2004) et maintenir durant des années les pompes à essence ordinaire, le temps du renouvellement du parc auto.

Pour une autonomie de 500 km, la masse d'hydrogène est d'environ 5 kilos, selon les études actuelles. Mais elle a besoin d'une température très basse (-253 degrés) et l'énergie nécessaire à la liquéfaction du gaz représente 40 % de l'énergie contenue dans le gaz. Si l'on renonce au réservoir à haute pression, il est possible de stocker l'hydrogène dans des micro-particules en verre spécial ou en métaux rares. Elles seraient progressivement réchauffées par la suite dans l'automobile. Ce système est notamment exploré par le japonais Mazda.

A travers champs

Se tourner vers les biocarburants a l'avantage de ne pas exiger trop de modifications au niveau des moteurs, mais la production est délicate à organiser. Dans le cadre du projet européen Biofit, la France annonce un bilan énergétique très positif pour la production de diester, à partir de colza et de tournesol: une tonne d'équivalent-pétrole pour la culture et la récolte de 2,3 tonnes d'équivalent-pétrole de carburant végétal. On notera que l'administration Bush a sorti sa "National Energy Policy", fixant 10 % de biocarburants pour la consommation totale américaine en 2010. Dans le cas français, environ 6 millions d'hectares seraient à cultiver pour couvrir 25 % des besoins actuels du pays en carburants. L'Hexagone arrive péniblement à 320'000 hectares actuellement.

Dans la pratique, la politique énergétique et la politique agricole européennes resteraient à coordonner, afin d'imposer des surfaces cultivées garantissant un approvisionnement. Cela impose donc une révision du système des terres en jachère, de la répartition des cultures, des choix énergétiques nationaux, sans oublier de tenir compte du cours de l'euro par rapport au dollar et du prix du baril.

Maurice Satineau, Entrprise romande, 08.03.2002