Union européenne : Pour parachever le marché unique

Bruxelles propose un " brevet communautaire "

Il a fallu du temps, près de trois décennies en fait, mais la Commission européenne a fini par présenter sa proposition de " brevet communautaire ", une initiative susceptible de donner un coup de pouce à la mise en place du marché intérieur.

Ce brevet, estime Frits Bolkestein, le commissaire chargé du dossier, offrira " un outil compétitif à l'industrie européenne " grâce à un abaissement des coûts et la création d'une structure juridiquement claire en cas de litige.
Actuellement, il existe trois cas de figure dans les pays de l'Union : la demande peut-être déposée auprès des offices nationaux, de l'office européen ou par le truchement d'un traité international de coopération qui date de 1970. C'est l'Office européen des brevets (OEB) de Munich, créé en 1973, qui traite la plupart des cas : 121'750 demandes ont été déposées en 1999, et 35'400 brevets ont été délivrés, après une enquête de trois à quatre ans.
Il existe donc déjà une procédure de délivrance et d'applicaiton unique. L'OEB travaille dans trois langues, l'anglais, le français et l'allemand, mais les Etats membres de l'Union peuvent exiger que les "brevets européens " délivrés par Munich soient traduits dans leurs langues nationales pour reconnaître leur validité. De même, ce sont les juridictions nationales qui sont aujourd'hui compétentes. Pour la Commission, cela peut donner lieu à des situations où, à la limite, peuvent émerger quinze interprétations différentes de l'application de la loi. A l'avenir, le brevet serait toujours délivré par l'OEB, mais uniquement dans les trois langues de travail. Conséquence : une baisse considérable des frais de traduction qui se limiteraient à 2'200 euros contre 17'000 actuellement pour les onze langues officielles de l'Union.
Pour ce qui est de la sécurité juridique, la Commission propose de créer auprès de la Cours européenne de justice à Luxembourg un tribunal communautaire spécial. Cela passe toutefois par une modification du traité dans le cadre de la "conférence intergouvernementale " qui est en cours de négociation.
Ce tribunal se limiterait aux litiges concernant la contrefaçon et la validité des brevets. Les différends portant sur la propriété resteraient de la compétence nationale. Cette proposition de "règlement ", un texte directement applicable par les Etats membres, doit être approuvée par les capitales à l'unanimité. Des réticences sont attendues sur deux points : le régime linguistique qui risque d'être perçu comme discriminatoire par les pays " exclus ", et les nouvelles compétences de la Cour de Luxembourg qui pourraient susciter quelques froncements de sourcils.
La Commission invoque le sommet de Lisbonne, où les chefs d'Etat et de gouvernement ont demandé d'ici à la fin de 2001 un " brevet communautaire " aussi simple et bon marché que dans les Etats concurrents. La comparaison est parlante : pour une délivrance type dans huit pays de l'Union, il faut débourser 49'000 euros, contre 16'450 au Japon et 10'330 aux Etats-Unis.

Le Figaro - Pierre Bocev, le 06.07.2000