Point Cardinal

La fête agendée ce soir par Point Cardinal sur la place Python aura bien lieu sous le nom Point Cardinal. L'association de soutien à la brasserie fribourgeoise l'a annoncé hier: elle ne cédera pas à la menace du groupe Feldschlösschen sans avoir vérifié si celui-ci est bien en droit de lui interdire l'usage du mot "Cardinal". Après avoir toléré, un an durant, les activités de Point Cardinal, Feldschlösschen-Hürlimann Holding a brusquement changé d'avis. Dans une lettre-ultimatum, un avocat mandaté par le groupe lui interdisait immédiatement d'utiliser le terme "Cardinal" sous la menace d'une amende pouvant aller jusqu'à 100'000 fr.

Point Cardinal n'est pas seul à se soucier de l'avenir de la brasserie fribourgeoise. L'Association suisse invention romande (ASIRO), dont le président Narcisse Niclass et le siège sont fribourgeois, organise vendredi une manifestation théâtrale et festive pour sensibiliser les dirigeants de Feldschlösschen au capital de sympathie que représente le nom Cardinal dans toute la Romandie, lorsqu'il est relié à Fribourg.

"Notre association est branchée sur des concepts innovateurs, il était normal qu'elle les applique à des situations nouvelles", explique Narcisse Niclass. La situation nouvelle, c'est la menace qui pose toujours sur la bouteillerie. Le concept innovateur, c'est celui d'un jeu de rôle qui verra Super-Cardosh aller cacher l'enseigne de Cardinal afin d'empêcher Feldschlösschen de l'emporter hors des murs de la cité. Un jeu de rôle qui verra la participation d'une trentaine d'employés de la brasserie et du groupe théâtral Ludimania de Domdidier, emmené par Olivier Francfort.

Le message destiné aux décideurs de Rheinfelden est que la marque Cardinal contient "un certain pouvoir d'émotion", qui constitue un capital.

Ce pouvoir est étroitement relié à la présence de Cardinal à Fribourg, son enracinement dans le terroir sarinois. Narcisse Niclass diffusera une "Charte de la cervoise Cardinal de Fribourg" qui fait de la bière fribourgeoise une "appellation originelle contrôlée". Originelle? "Comme le péché", commente le président de l'ASIRO, hilare.

PAS LE MOINDRE DIALOGUE

Hier, Point Cardinal a réagi à cette interdiction. L'association a demandé un avis de droit. En attendant sa réponse, elle ne changera rien à son nom ni à son programme. Au nom de l'association, le conseiller communal Jacques Eschmann, s'est dit "très déçu" de la façon dont le groupe Feldschlösschen a empoigné le problème. "Rien ne les empêchait de nous contacter directement, et de nous expliquer pourquoi notre nom gêne Cardinal. Nous serions entrés en matière", explique Jacques Eschmann. "Mais là, c'est lamentable: on emploie des arguties juridiques, des menaces de plaintes et d'amendes exorbitantes pour ne pas avoir à dialoguer" Depuis l'accord d'avril dernier, Point Cardinal n'attaque plus Feldschlösschen, mais promeut Cardinal. Ses responsables estiment qu'ils ont développé avec le brasseur argovien une relation de partenariat utile à la cause de la bière fribourgeoise. La seule bière du groupe, d'ailleurs, à avoir maintenu ses chiffres de vente, et avoir vu ses parts de marché progresser, souligne Jacques Eschmann. "Cette année, nous avons été associés à de nombreuses manifestations de promotion pour Cardinal. Même s'ils ne nous reconnaissent pas, nous sommes leurs partenaires", poursuit le conseiller communal. Du coup, estime-t-il, c'est une calomnie de prétendre que Point-Cardinal entre en concurrence déloyale avec le groupe. "On leur fait plutôt de la publicité gratuite!" s'insurge Jacques Eschmann, qui voit dans cette attaque "une bêtise", et qui se demande si cela "ne relève pas d'une volonté délibérée de couler Cardinal en supprimant cette publicité gratuite".

PROTEGER LA MARQUE

"Au bureau de l'avocat mandaté par Feldschlösschen, on renvoie pour toute réaction au porte-parole de la brasserie, Davor Masek. Lequel déclare que le groupe n'a en soi rien contre Point-Cardinal, "Qui est parfaitement libre de mener son action comme il l'entend, & condition de le faire sous un autre nom."

Alors, pourquoi cette réaction tardive? "Nous avions d'autres priorités, notamment le développement de nouvelles activités à Fribourg. Nous avons soumis le problème à un avocat, qui est arrivé à la conclusion qu'il fallait réagir maintenant."

Mais cela n'a rien à voir avec cette fête. La seule chose que nous voulons, c'est protéger la marque Cardinal. Si nous commençons à tolérer des abus de ce nom, nous courons le risque de voir la concurrence s'en emparer. Nous ne le voulons absolument pas. D'ailleurs, on s'engage pour la marque dans tous les domaines où on voit des perspectives d'avenir".

Ces perspectives, Feldschlösschen ne les voit pas dans le "partenariat" avec Point Cardinal: "Cette organisation a fait des dégâts chez nous, elle nous a menacés de boycott. Avec eux, cela a été dur. Je suis un peu étonné qu'ils viennent aujourd'hui se poser en victimes, alors que nous ne faisons que défendre nos intérêts."