_ No 14 - printemps 2003 Print

Energie, le choix ?

Notre pays est pratiquement autonome pour son alimentation en électricité. Nous produisons environ 60 % d'électricité grâce aux centrales hydrauliques, les 40 % restants proviennent de nos centrales nucléaires modernes. La Suisse exporte de l'électricité en été. Elle en achète, en hiver, à la France et à l'Allemagne. En 2001, les importations étaient de 58 milliards de kWh. Les exportations ont totalisé 68,5 milliards de kWh. Notre balance est donc bénéficiaire de 10,5 milliards de kWh.

Nos 5 centrales nucléaires fournissent une quantité constante de courant appelée énergie de ruban. Les barrages permettent de faire face aux variations de la consommation en fournissant le courant de pointe. En hiver, lorsque les centrales hydrauliques au fil de l'eau ne peuvent produire suffisamment d'électricité, les centrales nucléaires prennent le relais et couvrent jusqu'à 75 % des besoins de certaines régions.

Cette formule 60 - 40 garantit à notre industrie, notre économie, un approvisionnement stable et favorable. Elle permet également de faire face à l'évolution soudaine de facteurs susceptibles d'influencer notre approvisionnement en électricité. Les effets de la hausse du prix du pétrole et du gaz, de l'éclatement d'un conflit dans un pays producteur d'énergie fossile, d'une spéculation outrancière sur le brut, sont ainsi partiellement maîtrisés.

Notre politique énergétique est en danger Les deux initiatives "Moratoire plus" et "Sortir du nucléaire" ont pour but de fermer les cinq centrales suisses. Le Conseil fédéral et le Parlement rejettent tous deux ces initiatives pour des raisons évidentes. Selon les études, le coût de l'initiative "Sortir du nucléaire" atteindrait 40 à 62 milliards de francs et celui de l'initiative "Moratoire plus", 29 à 46 milliards de francs selon les variantes retenues.

Il est souhaitable d'augmenter la proportion des énergies renouvelables et d'améliorer l'efficacité énergétique. Nos efforts tendent à cet objectif. Toutefois, il faut se rendre à l'évidence: cela ne permettrait pas de remplacer l'énergie produite actuellement par les centrales nucléaires. En cas de fermeture précipitée de nos centrales, nous devrions remplacer l'électricité manquante, soit le 40 % de nos besoins. Les nouvelles sources d'énergie éolienne et solaire ne sauraient fournir un apport suffisant. Nous serions donc contraints de construire des installations fonctionnant au gaz ou au fioul, dont la combustion augmenterait inévitablement la pollution atmosphérique. Les émissions de CO2 et de dioxyde d'azote compromettraient tous les efforts mis en oeuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ce serait contredire le protocole de Kyoto et la loi que nous avons choisie sur cette base.

Des moyens pour la recherche Si la solution d'avenir est indéniablement l'utilisation des énergies écologiques, il faudra mettre les moyens pour faire progresser la science et la technique plus rapidement. Abandonner à terme l'énergie atomique est certainement un but louable mais le faire trop rapidement serait compromettre notre développement économique et ainsi, les investissements à disposition pour la recherche et l'innovation.

Fermer les centrales maintenant serait un retour en arrière. Nous souhaitons tous une énergie sans risque et sans pollution. Mais en économie, les bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut faire preuve de réalisme. Nous serions contraints d'importer notre énergie et nous fermerions les yeux sur la manière dont elle est produite à l'étranger?

Cette attitude irresponsable serait malhonnête. La situation économique actuelle ne nous permet pas de fanfaronner. Comment couper le 40 % de votre consommation? En votant, c'est à cette question qu'il vous faudra répondre. Pour la recherche, pour l'évolution technologique, pour notre économie, en l'état actuel de nos possibilités, il faudra rejeter ces deux initiatives irréalistes, coûteuses et contradictoires.

Mariane Chassot